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Une maison et un poète à suivre : POÉTISTHME entraîne Maëlan Le Bourdonnec dans son sillage

Type de projet

Portraits

Date

juin 2023

(Les Amis de Thalie, juin 2023)

loan diaz , l’homme-phare de la maison

Loan diaz n’a que 23 ans, et cela fait déjà cinq ans qu’il a fondé la revue POÉTISTHME. Le nom dit déjà presque tout de l’intention qui a dirigé le projet : un isthme, entre terre et mer, pour faire passerelle entre différentes formes de « poïein », la création et la fabrication poétique. Pour ce gascon né près du bassin d’Arcachon et de la presqu’île du Cap Ferret, le rapport au monde est presque avant tout un rapport à l’océan, aux dunes, aux mouettes, à ce chemin de la région, fait de sable et de coquilles d’huîtres qu’on appelle « graouey ». Il vit d’ailleurs ponctuellement, comme ses arrière-grands-parents, dans une cabane de pêcheurs au milieu des bassins d’ostréiculture. Loan diaz aime parler de la revue poétique ou de ses camarades de l’association du même nom créée en 2020 - Kévin Balouin, Clément Bollenot et Léo Fouquey -, de la maison d’édition et de ses poètes. S’étant lui-même ouvert à la poésie très jeune, tout en poursuivant ses études de Lettres, il a préféré mettre en avant les écrits des autres. Et il le fait merveilleusement. Il voulait avant tout mettre en lumière l’expérimentation poétique, une poésie visuelle, audacieuse, qui révèle des singularités autour d’un thème commun. Faire du lien, rassembler les navigateurs solitaires de l’écriture poétique sur un bout de terre, c’est ce qui meut ce collectif passionné et engagé. C’est un écueil auquel n’importe quel amateur d’écriture poétique se heurte souvent, n’est-ce-pas : on veut publier un texte dans une revue, mais lit-on seulement ce que les autres écrivent. Avançons-nous vers un espace de rencontre ?

POÉTISTHME, entre revue et édition

La revue POÉTISTHME est à l’image de cette association. Elle est d’ailleurs gratuite et accessible en ligne, car la valeur de disponibilité pour tous est primordiale. Le volet éducatif et pédagogique des productions de Poétisthme est également un champ d’expérimentation qui est cher à l’équipe, qui se questionne sur la façon de faire de la poésie ou de la littérature un outil d’émancipation et d’apprentissage. Voici par exemple comment Léo Fouquey, un des membres du collectif, parle des ambitions de l’association :

« L’ « isthme » de POÉTISTHME est peut-être aussi ce pont qui va du plus intime au plus politique, reposant sur un point de bascule placé au plus proche de soi ou du monde. On soulève l’autre extrémité en appuyant sur la première. S’il est bien balancé, un poème très personnel remue autant le monde qu’un poème très politique touche un individu au plus profond de lui-même. J’ai l’impression que dans ses publications comme dans sa posture, POÉTISTHME est à la recherche de ce genre de leviers.
Il me semble que POÉTISTHME s’attache à ce que les poèmes publiés soient adressés au lecteur. Un poème très abstrait ne sera retenu que si l’auteur a vraiment eu l’intention de dire quelque chose à quelqu’un. Les solipsismes ne nous intéressent pas, ainsi on ne verra pas publiés chez POÉTISTHME des textes d’autolamentation, d’attendrissement sur soi-même. En revanche, un cri hurlé dans notre oreille, un portrait qui nous regarde telle une Joconde nous fascinent et nous souhaitons leur donner une audience.
POÉTISTHME ne compte que des poètes qui savent le climat de bienveillance qu’il faut pour écrire, se sentir en confiance pour proposer un texte, car chacun nous a fait l’expérience de publications en revue ou sous la forme d’un livre. Dans les discussions internes au collectif, je n’ai jamais entendu la moindre remarque péjorative quant à un texte, pas non plus d’impatience, ni de népotisme. POÉTISTHME s’efforce de travailler avec honnêteté, sachant très bien combien le mépris ou la grosse tête sont toxiques pour la poésie.
Le perfectionnisme est aussi une valeur de POÉTISTHME, qu’il s’agisse du niveau d’exigence littéraire quant aux textes proposés, mais aussi du souci de maintenir une ligne cohérente entre forme et fond. Loan s’attelle à réaliser une revue et des livres qui obéissent à des partis pris rigoureux. Le souci de l’unicité d’une œuvre se manifeste aussi dans sa matérialité, son enveloppe qui est plus qu’une enveloppe, puisqu’elle reflète ce qu’elle contient, à la manière d’un visage. »


Une collection, appelée « PRISTHME », entièrement numérisée, gratuite et imprimable, va bientôt découler de cette réflexion sur la dimension éducative de l’association. Déjà, à partir de 2020, des petits ouvrages composés d’entretiens et d’expositions de photos, de dessins, de textes et même de tatouages, bâtis autour de cette réflexion primordiale des poétiques du lien, a vu le jour. Ce sont les « carnets de l’isthmographe », magnifiques, graphiques, concis, à la portée de tous, mais avec l’exigence de la recherche universitaire. Gratuits également et téléchargeables sur le site. Une mine de découvertes.
C’est enfin vers l’édition de recueils que l’association s’est tournée. Il suffit de tenir un ouvrage entre ses mains pour ressentir la qualité, le soin apporté à l’objet lui-même (le grain du papier et le graphisme brut de la couverture illustrée par Berendia en font un petit trésor) autant que de la qualité de la poésie elle-même, et du poète (ou de la poétesse) qui est ainsi mis.e en avant. Le volet éditorial se déploie autour de trois domaines : une collection expérimentale appelée « feu de brandes », une collection de traductions conçu comme un tour du monde porte le joli nom de « circumnavigation », et enfin une collection tournée vers le grand public, appelée « gyrovague », dont Maëlan Le Bourdonnec est le premier auteur publié. Édition et revue fonctionnent de pair : avant chaque publication d’un recueil un numéro de la revue qui lui est consacré paraît. Le recueil, rappelle Loan Diaz, est quelque chose que l’on conçoit comme tourné vers soi, un recueillement intime qui pousse à écrire, mais il doit aussi être ouvert aux autres, et c’est à nouveau ce que la revue cherche à faire en dédiant un numéro thématique à ce dernier, pour faire dialoguer, faire se rencontrer les sensibilités. Ce fut le cas pour la publication de saline de Maëlan Le Bourdonnec : un exemplaire a même été offert à chaque participant de la revue qui a été retenu.

La poésie iodée de Maëlan Le Bourdonnec

Il y a de la mer aussi, dans le nom de Maëlan Le Bourdonnec, et il y en a dans son recueil au doux nom iodé, saline, dédié à son amie Aline. « C’est un recueil que j’aurais voulu écrire », confie loan. Mais il est surtout « content que quelqu’un l’ait fait ». Maëlan, comme son éditeur, entretient un rapport intime à l’élément maritime. Découvrons donc un peu de sa poésie, douce et fine :


coudre la mer sur un mot
le regarder s’en aller
puis revenir

***
des vagues s’endorment
entre les maigres pilotis
d’un carrelet bleu

le débarcadère
le ferry sur la mer
et les métallurgies anciennes fabriquées sous ta robe (extraits de saline)


Je suis partie sur les flots des réseaux sociaux à la rencontre de ce poète bouleversant. Voici le fruit de nos échanges.

Maëlan, quelle relation entretiens-tu avec la mer ?

J’ai eu une enfance très marine et aventureuse grâce à mon père qui nous emmenait sur son zodiac entre les ilots de Bretagne. Aussi, j’habite depuis toujours sur la côte atlantique. Tout cela s’est évidemment déposé en moi et c’est une matière première que j’ai en abondance. Les années passant, j’ai moins développé cette pratique aventureuse et « active » de la mer que l’amour de sa contemplation. Cela me suffit pour me remplir de quelques mystères que j’appelle des « vertiges », car j’ai du mal à en contenir la beauté et l’ampleur, à les comprendre entièrement.

Peux-tu nous parler de ton quotidien ?

Je travaille en médiathèque, et lorsque je n’y suis pas j’aime aller au cinéma, jouer aux jeux-vidéo et regarder youtube, regarder des séries, aller voir la mer, écrire un peu, parfois, quand les planètes sont alignées, me cultiver et lire. J’aime ne rien faire aussi, faire la sieste, dormir. J’aime faire des mots fléchés sous un plaid et boire du chocolat chaud, manger du chocolat et des spaghettis bolognaise. Écouter de la musique, jouer du piano, visiter des musées et m’asseoir sur des bancs.


Comment se manifeste dans ta vie cet art du mélange et de la douceur que l’on découvre dans ton recueil ?

J’aime à dire que je suis « né peluche ». J’aime la douceur, je la vénère même, avec la tendresse. Je suis né doux, cela peut faire sourire mais la douceur me fait beaucoup de bien, que ce soit au niveau du toucher, d’une voix, d’un mot, d’un geste. J’y suis très très sensible. Par exemple, j’adore caresser les peluches dès que j’en vois pour savoir laquelle est la plus douce. Cela me plonge dans une forme d’autohypnose je pense, je ne suis plus vraiment là, je suis dans mon monde. Idem quand j’écoute une personne qui me parle avec une voix douce, lentement, gentiment, je suis complètement ailleurs et n’écoute plus ce qu’elle dit, je suis envahi, traversé par quelque chose de si doux, de si tendre. Le temps n’existe plus, le monde non plus. Et un geste tendre peut me plonger dans un état second, de plénitude.

Peux-tu nous parler enfin de ton parcours poétique et de la façon dont saline est né ?

À la fac de lettres où je suis allé jusqu’en master, j’ai montré mes textes à une enseignante pour qu’elle me donne son avis. Elle m’a conseillé de publier, alors j’ai envoyé dans des revues, ça marchait bien. En parallèle de ces publications, je postais sur un forum d’écriture sur lequel je suis depuis douze ans maintenant. Grâce à lui, mon écriture a énormément évolué, et j’ai pratiqué les extrêmes : d’une écriture assez torrentielle et très dense à cette forme brève et épurée que l’on retrouve dans le recueil. J’ai beaucoup expérimenté sur ce forum, ce qui m’a permis de savoir ce que j’aimais en écriture et ce qui ne me correspondait pas.
Au début, saline n’était pas pensé comme un recueil. Je n’avais pas non plus pour ambition d’en écrire un. C’est plutôt le résultat d’une recherche et d’un travail d’épure de mon écriture. Mais pour en arriver là, j’ai mis dix ans. Vers la fin, je faisais des séries de quelques textes en vers, très courts. A posteriori, c’était une sorte d’ébauche de ce recueil. Ensuite, petit à petit, les thèmes et la manière se sont précisés. Et c’est en prenant du recul sur ce vaste ensemble que j’ai constaté des points communs. Je dirais que c’est seulement à partir de cette prise de conscience qu’est né saline en tant que recueil, même si c’est l’aboutissement d’une recherche beaucoup plus ancienne. D’ailleurs, le proto-saline s’appelait chapelle. Beaucoup plus long et dense, avec un mélange de prose et de vers. Ce fut mon premier projet de recueil, pensé en tant que tel, c’est-à-dire avec la volonté d’en faire un tout cohérent. Mais tous les thèmes de saline étaient déjà là : la mer, l’amour, l’absence, le manque, la solitude, le vertige mystique devant ce qui m’échappe ou encore la croyance déçue. Tout y était. J’ai envoyé ce recueil aux éditeurs en sachant que ce mélange était périlleux, du moins pour le premier recueil d’un inconnu. Il fut refusé partout, j’ai donc choisi d’appliquer le plan B (plan que je gardais dans un coin de ma tête) : amputer chapelle de sa prose pour estomper l’impression de fourre-tout qu’il pouvait s’en dégager et ainsi renforcer la cohérence. Le résultat m’a plu et j’ai commencé à polir le matériau minutieusement. En clair, disons que je passe, ai passé mon temps à enlever, raccourcir, modifier l’ordre des textes, mettre à la ligne, sur la même ligne, changer un mot, agrandissant toujours la demeure du blanc. J’y serais probablement encore s’il ne fallait pas, à un moment donné, savoir s’arrêter, renoncer à ce qui pourrait être. Ce n’est pas plus mal, j’aurais sinon fini par présenter une suite de feuilles blanches.
Parmi les revues dans lesquelles je publiais, il y avait Le Soc, qui fait partie du collectif POÉTISTHME. Son rédacteur « sans chef », Berendia, m’a demandé si j’avais quelque chose de plus long, un recueil, et si oui de l’envoyer à Loan Diaz : à l’époque je ne savais pas que c’était aussi une maison d’édition. Le recueil lui a tout de suite plu. Et le projet de l’éditer a débuté ainsi.

***


Je vous invite à explorer le site de POÉTISTHME, y retrouver en particulier, et entre autres, les exemplaires en ligne de la revue, les carnets de l’isthmographe et les ouvrages édités en naviguant sur cette adresse : https://poetisthme.cargo.site

On peut y acquérir aussi saline de Maëlan Le Bourdonnec en exemplaire papier au prix de 12 euros : https://poetisthme.cargo.site/Maelan-Le-Bourdonnec

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